L'éco-anxiété, le mal du siècle

L'éco-anxiété, le mal du siècle

Selon une étude menée par l’institut de sondage YouGov en octobre 2019, le réchauffement climatique serait une source d’anxiété pour 51% de la population française. Le phénomène de l’éco-anxiété ne cesse de grandir mais se traduit-il par une inertie face à la menace écologique ou peut-il être un moteur pour l’avenir ?

mai 2020

3 min

Helios est partie à la rencontre de Charline Schmerber, psychothérapeute, pour vous éclairer sur le sujet. Après avoir elle-même fait l’expérience de l’éco-anxiété, elle décide de redonner du sens à son métier en ouvrant sa pratique en cabinet à ce qu’elle appelle la « collapsalgie ». Ce terme renvoie aux nouvelles souffrances psychiques face aux angoisses liées à des scénarios catastrophistes ou d’effondrement (par exemple, la destruction de la planète, des conflits géopolitiques internationaux…) et qui amènent les gens à ressentir un effondrement intérieur. Charline Schmerber se penche alors sur les problématiques comme l’éco-anxiété ou la solastalgie pour mieux accompagner ses patients.

L'éco-anxiété, cette angoisse liée au réchauffement climatique

L’éco-anxiété ou l’anxiété climatique se définit comme « une peur chronique du destin environnemental » (American Psychological Association). Il s’agit d’un sentiment d’angoisse intense face à la dégradation de l'environnement. « L’éco anxiété est une forme de stress pré-traumatique. Il s’agit d’une anxiété prospective, c’est-à-dire qu’elle est provoquée et alimentée par l’action d’imaginer l’avenir. Le sujet se projette dans un monde en plein effondrement et cela l’angoisse. », explique Charline Schmerber.

Celle-ci différencie l’éco-anxiété de la solastalgie :

« Bien que ces termes renvoient tous deux à des « souffrances écologiques », pour reprendre les mots de l’éco-psychologue Jean-Pierre Le Danff, la solastalgie est davantage une expérience rétrospective dans laquelle le sujet se rend compte qu’il est face à la perte du lieu de réconfort dans lequel il vivait. Dans la solastalgie, il y a donc une constatation par rapport à une expérience vécue alors que dans l’éco-anxiété, le sujet se place dans une position future et inquiétante. C’est la temporalité de l’expérience qui différencie ces deux termes. ». Toutefois, la psychothérapeute précise que le terme d’éco-anxiété peut apparaître réducteur car il ne prendrait pas en compte la diversité des émotions que les gens peuvent ressentir face au réchauffement climatique. « Mon enquête-témoignage révèle d’ailleurs que l’on dépasse le seul terme d’anxiété par rapport aux processus d’effondrement car les répondants ont mentionné plus de 175 termes différents pour exprimer leur ressenti. »

L’éco-anxiété, qui en souffre le plus ?

Selon l’étude de YouGov, 55% des femmes et 46% des hommes ayant répondu s’inquiètent du changement climatique. Il est également à noter que 72% de la tranche d’âge 18-24 ans se sent concerné par ce phénomène d’éco-anxiété, ce qui amène à penser que les nouvelles générations sont particulièrement sensibles aux enjeux environnementaux. Malgré ces chiffres, Charline Schmerber précise que l’éco-anxiété peut toucher n’importe qui.

« Parmi mes patients, je retrouve tout type de personnes car l’éco-anxiété touche davantage la sensibilité des individus plutôt qu’une classification de genre, de métier ou de CSP. Elle se manifeste comme une manière d’être au monde. »

Et si c'était moi ?

Comment reconnaître que nous souffrons de cette détresse écologique ? « L’éco-anxiété se manifeste souvent sous forme de choc lors d’une prise de conscience de l’état du monde. », explique Charline Schmerber. Ce choc peut faire apparaître différents troubles psychiques ou symptômes physiques : dépression, crises d’angoisse, insomnies, mal de dos, perte d’appétit ou addictions.

Elle se manifeste par de la colère pour 39% des personnes interrogées, mais aussi par de la peur pour 34% des Français, puis par de la déprime pour 14% d’entre nous. Plus rarement, cette angoisse génère des troubles du sommeil (8%), un mal de dos (7%), de la dépression (4%) ou même des crises d’angoisse (3%).

L’éco-anxiété peut prendre deux directions : elle peut susciter l’envie d’agir au quotidien ou, à contrario, faire tomber le sujet dans une forme de paralysie. « L’action permet aux gens souffrants d’éco-anxiété de trouver un sentiment d’utilité qui met à distance l’anxiété et qui fait rempart face à l’impuissance que l’on peut ressentir. C’est un mécanisme de défense. ». Ainsi, le passage à l’action possède des vertus curatrices en nous donnant l’impression que notre compréhension de l’état actuel de la planète est un moteur de changement face au système établi.

« Face au panel d’émotions qui submerge le sujet, ce dernier doit savoir s’écouter pour y répondre. L’étymologie latine du mot « émotion » est ex-movere, « mettre en mouvement ». Les émotions envoient donc des messages auxquels on peut répondre par des actes. »

Comment lutter contre l’éco-anxiété ?

Nous avons demandé à Charline Schmerber quelles étaient les solutions pour faire face à l’éco-anxiété. Voici ses réponses :

1) Accepter de vivre ses émotions :

Il ne faut pas les bloquer mais justement se laisser aller à elles en s’autorisant à pleurer de colère ou de tristesse ou en mettant des mots sur ces émotions. « Les émotions tentent de nous faire comprendre des choses et il est nécessaire de pouvoir entendre les messages qui s’y cachent. »

2) Parler de ses angoisses :

Pouvoir parler, être accompagné et partager son vécu à autrui permet de se libérer d’une charge émotionnelle. Cela conduit aussi à prendre de la hauteur sur la situation actuelle et à retrouver du sens dans sa propre vie en trouvant une nouvelle manière d’être dans un monde qui se transforme.

3) Se reconnecter à la nature :

« J’insiste beaucoup sur ce point. On vit dans un monde où l’on n’a pas toujours conscience que l’on fait partie du vivant parce qu’on est nourri par la pensée de Descartes qui était dans une opposition entre nature et culture. Il est très important que les gens prennent soin du vivant et puissent se relier à la nature en passant du temps à l’extérieur ou à la campagne ou encore en se livrant à des activités de jardinage. »

4) Réduire la dissonance cognitive :

« La dissonance cognitive est un phénomène psychique qui apparait lorsque la façon d’agir et la perception du monde ne sont pas en adéquation. Par exemple prendre l’avion plusieurs fois dans l’année alors que l’on est sensible au réchauffement climatique. » Ainsi, la cohérence entre le système de valeurs qui nous anime et la réalité de nos actes est essentielle afin de réduire cette dissonance cognitive. En effet, agir en accord avec ses convictions environnementales et sentir son impact sur le monde extérieur a la vertu d’apaiser l’éco-anxiété.

Si l’éco-anxiété est le prochain grand mal du Siècle, il est surtout la manifestation d’une prise de conscience générale des enjeux environnementaux. L’urgence écologique doit être une opportunité d’agir et on ne peut, aujourd’hui, minimiser l’impact de ses choix et de ses actes. Chacun de nos gestes compte pour la planète mais aussi pour soi et son bien-être. Passer à l’action, communiquer en toute transparence, renouer avec le vivant, être en cohérence avec ses valeurs ; ce sont des missions que mène Helios chaque jour en créant une banque alternative durable. Ainsi changer de banque est un petit geste à ne pas minimiser pour combattre la crise climatique et faire émerger une économie plus durable.

Cet article a été rédigé par Christopher Dembik. Christopher Dembik est économiste. Il est directeur de la recherche macroéconomique pour le Groupe Saxo Bank, en France et à l’étranger. Il est aussi membre du conseil d’administration de la société cotée Substrate Artificial Intelligence et conseiller financier de la start-up Oceans.ai(inspection et maintenance d’installations industrielles). Depuis 2022, il est maître de conférences à Sciences Po Paris et éditorialiste sur BFM Business. Il a reçu le Prix de meilleur prévisionniste pour la France en 2015 (Thomson Reuters) et pour l'Allemagne en 2019 (Refinitiv).

Christopher Dembik

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