Où investir en 2023 ?

Où investir en 2023 ?

Mon ami Wilfried Galant, stratégiste chez Montpensier Finance, a été le premier à évoquer « la grande érosion » pour qualifier la période dans laquelle nous sommes. Cela renvoie à la baisse du pouvoir d’achat des ménages du fait de l’inflation élevée.

février 2023

5 min

Mon ami Wilfried Galant, stratégiste chez Montpensier Finance, a été le premier à évoquer « la grande érosion » pour qualifier la période dans laquelle nous sommes. Cela renvoie à la baisse du pouvoir d’achat des ménages du fait de l’inflation élevée. La part conjoncturelle de l’inflation, en grande partie liée aux déséquilibres engendrés par la Covid, va se dissiper dans les mois à venir. La fin de la politique zéro Covid en Chine est un signal positif, à cet égard.

En revanche, l’inflation structurelle, qui reflète notamment les choix européens dans le domaine de la transition énergétique et la hausse des prix des matières premières, va rester. Nous allons devoir nous habituer à un monde d’inflation durablement plus élevé que pendant les dix ans qui ont précédé la Covid.

Alors qu’il y a encore deux ans de cela, avoir un rendement sur son épargne de 2 % était suffisant pour compenser le coût de l’inflation, désormais il va falloir faire preuve de plus d’imagination pour faire fructifier son argent. Ne nous voilons pas la face, ce ne sera pas facile. Il n’existe pas de solution prête en main. Nous sommes dans une phase de test et d’apprentissage.

Toutefois, il y a certains produits d’épargne qui, clairement, ne se prêtent plus à la période actuelle d’inflation élevée.

Adieu les livrets réglementés

L’écrasante majorité des ménages français possède un livret d’épargne réglementé – 55,7 millions sont titulaires d’un Livret A. L’encours net sur le Livret A est à un niveau record de 349,6 milliards d’euros. Même chose pour le Livret de développement durable et solidaire (476,5 milliards d’euros). Pourtant, leur rémunération est dramatiquement basse, à 3 % net d’impôt (depuis le 1er février). Si on considère les livrets réglementés comme un compte courant bis, pourquoi pas. En revanche, si on espère faire fructifier son épargne, c’est raté. Avec le niveau d’inflation actuel (compris entre 5 % et 6 % sur un an), on perd de l’argent ! Le rendement réel de votre livret réglementé est négatif !

Le livret d’épargne populaire (LEP) fait figure d’exception, toutefois. Pour en souscrire un, il faut répondre à plusieurs critères :

  • 1) être domicilié en France (cela va de soi) ;
  • 2) le revenu fiscal de référence de 2022 ne doit pas dépasser 20 297 € pour un célibataire et 31 137 € pour un couple marié ou pacsé ;
  • 3) un dépôt minimum de 30 € est nécessaire à l’ouverture.

Le taux de rémunération du LEP est en principe égal à celui du Livret A majoré d’un demi-point. Mais un mécanisme de garantie du pouvoir d’achat a été actionné récemment, ce qui en fait un produit d’épargne sans risque attractif. Concrètement, il y a un complément d’intérêt qu’on ne trouve pas avec le fameux Livret A.

Ainsi, depuis le 1er février 2023, le taux du LEP est fixé à 6,1 % au lieu de 3 %. C’est énorme. Cela permet de complètement compenser la hausse de l’inflation. Tout cela, sans risque. Enfin, le LEP comporte deux autres avantages : les fonds sont immédiatement disponibles et les intérêts sont non-imposables.

De mon point de vue, le LEP est clairement un levier utile pour les ménages les moins aisés qui ne peuvent pas recourir à d’autres véhicules d’épargne pour contrer les pressions inflationnistes.

Les actions et les actifs réels sont incontournables

Malgré la déconfiture de 2022, les actions offrent le meilleur rempart à long terme contre l’inflation. Le rendement moyen sur longue période (c’est le point crucial à prendre en compte !) des marchés actions est d’environ 5 % par an. En phase de hausse généralisée des prix, les valeurs du secteur des biens de consommation se comportent en général bien (Coca Cola, Colgate, Unilever, Beiersdorf dans la cosmétique, par exemple). Elles sont en mesure d’afficher une croissance organique régulière. Ce n’est pas rien.

Ajoutons à cela les valeurs du luxe (sans surprise). Il existe plusieurs supports financiers pour investir sur les actions : les fonds actions et les fonds flexibles dans l’assurance-vie, certains produits d’épargne retraite comme le PER, le contrat de capitalisation (qui permet d’optimiser sa succession avec les donations, entre autres) et également le PEA assurance (qui a pour spécificité d’offrir une disponibilité partielle de son épargne en cours de contrat sans provoquer la clôture du plan).

Les actifs réels sont également toujours intéressants dans ce contexte. Cela fait référence à l’immobilier, particulièrement l’immobilier résidentiel. Les loyers sont ajustés en fonction de l’inflation. C’est un bon point. Dans certaines zones, les prix ont fortement augmenté.

Mais il y a encore des opportunités en cherchant bien. Il faut enfin mentionner les infrastructures (routes, centrales électriques, résidences étudiantes etc…). Plusieurs fonds spécialisés existent dans ces domaines et peuvent faire partie intégrante de l’assurance-vie.

Attention au label ISR pour « Investissement Socialement Responsable »

Il y a encore cinq ans de cela, bien peu d’épargnants étaient préoccupés par les questions environnementales et sociales. On avait même tendance à considérer qu’un investissement vertueux était moins rémunérateur que celui qui ne l’était pas. Mais depuis il y a eu la Covid. Les valeurs de bien-être et de respect de l’environnement se sont imposées.

On s’est aussi rendu compte que les fonds ISR ou ESG (critères d’évaluation qui sont intégrés dans la démarche ISR) peuvent surperformer les autres fonds. Ce fut le cas pendant la période de pandémie. S’ajoute à cela un facteur générationnel. Les jeunes sont certainement plus sensibilisés à l’impact que peut avoir leur argent sur la transition écologique. Ils ont conscience de leur pouvoir.

Mais il peut y avoir des mauvaises surprises. On peut penser placer son argent, par exemple via une assurance-vie (ce qui est classique), sur un fonds d’investissement durable libellé ISR sans que ce soit complètement vertueux.

Ce qu’il faut déjà savoir, c’est que le label ISR est attribué par un tiers indépendant. Il certifie simplement la stratégie d’éco-responsabilité adoptée par les entreprises qui composent le fonds de placement.

Sur le papier, cela semble être la solution parfaite pour concilier rendement financier et impact positif sur la planète. Mais la réalité est tout autre. Les méthodes d’évaluation des produits ISR sont contestables. La sélection des entreprises repose essentiellement sur une méthode de filtrage négatif via des critères d’exclusions qui sont si tolérants qu’ils ne garantissent en rien la qualité des candidats.

C’est un peu comme réduire la ''bonne conduite'' d'une personne au seul fait qu’elle dispose d’un casier judiciaire vierge. En outre, une mauvaise note pour un pilier (par exemple le pilier environnemental) peut être compensée par une excellente note pour un autre pilier (par exemple le pilier de la gouvernance).

C’est ainsi qu’on retrouve des entreprises au bilan environnemental contestable dans les fonds ISR (comme Total). Ah oui, j’oubliais de vous dire que le label n’exclut pas automatiquement les énergies fossiles…

Thèmes d’investissement « verts »

Beaucoup d’épargnants choisissent également d’investir en fonction de thèmes d’investissement en accord avec leurs convictions. C’est une bonne solution quand on souhaite que son argent soit utile à une cause qu’on affectionne. En ce début d’année, il y a trois thèmes qui se démarquent :

  • Les énergies renouvelables, sans surprise

    C’est une thématique qui séduit les épargnants depuis plusieurs années mais qui devrait connaître un regain d’intérêt dans les années à venir en France. En 2020, la France était le seul pays européen à ne pas respecter l’injonction de l’Union Européenne concernant le recours aux énergies renouvelables pour plus de 23 % de son mix énergétique. Cela a incité le gouvernement à multiplier les projets en la matière depuis. On peut investir directement pour financer une centrale photovoltaïque ou soutenir des activités annexes (par exemple les plateformes qui collectent les nombreuses données fournies par les éoliennes afin d’améliorer leur rendement et de limiter les cas de panne). C’est un thème d’investissement parmi les plus vastes.

  • Les infrastructures afin d’améliorer la mobilité

    Cette catégorie d’investissement, qui inclut par exemple la mobilité verte à travers le transport ferroviaire, a connu un fort essor ces dernières années. Cela s’explique principalement par trois facteurs : une réelle stabilité (forte décorrélation des marchés financiers ce qui en fait un investissement défensif), le financement de l’économie réelle avec un impact positif (c’est une préoccupation croissante des épargnants) et un surcroît de rendement qui permet d’en faire un investissement attractif en période d’inflation (ce sont des actifs essentiels qui font en général l’objet de contrats à long terme qui sont indexés à l’inflation).

  • La gestion et le traitement des déchets

    Ce n’est a priori pas un thème d’investissement très sexy. Mais c’est un segment essentiel si on souhaite accélérer la transition écologique. D’ici 2030, une réduction de 15% des déchets ménagers par habitant devront être opérée pour respecter les objectifs de la loi. Pour le plastique, la législature est même encore plus stricte : objectif 100% de plastiques recyclés en 2025. Il faut donc financer les initiatives qui vont dans la bonne direction. Le lancement du premier compteur de déchets intelligent en France est certainement celle qui est la plus intéressante à ce stade (lancement cette année). Le principe est simple : une puce est ajoutée à la poubelle attribuée à chaque ménage. Lorsque cette puce va rentrer en contact avec la benne à ordures ménagères, elle indiquera le poids des déchets. Ainsi le citoyen sera en mesure de connaître ce qu’il a rejeté. Cela s’accompagne de conseils donnés aux citoyens pour réduire leurs déchets, évidemment.

Pour résumer, il n’y a pas de solution idéale et unique lorsqu’on cherche à faire fructifier son épargne (et à résister à l’inflation également). L’année 2022 l’a bien montré. Le pire reste de ne rien faire (être fortement exposé en cash). Le meilleur conseil qu’on puisse donner c’est d’avoir environ 90 % de son épargne disponible placée sur divers supports (la diversification est la clé) et environ 10 % de cash pour saisir des opportunités. Cela n’empêche pas de faire des arbitrages en chemin. Et en matière d’investissement responsable, plus que jamais, soyons vigilants et surtout exigeants. Le label ISR n’est pas nécessairement mauvais. Mais il est clairement insuffisant. Alors pensez à bien vous renseigner et à gratter pour savoir ce qui se cache réellement dans les fonds qui vous sont proposés. Une autre alternative est d’investir en direct sur des projets qui vous parlent (par exemple dans les énergies renouvelables).

Cet article a été rédigé par Christopher Dembik. Christopher Dembik est économiste. Il est directeur de la recherche macroéconomique pour le Groupe Saxo Bank, en France et à l’étranger. Il est aussi membre du conseil d’administration de la société cotée Substrate Artificial Intelligence et conseiller financier de la start-up Oceans.ai(inspection et maintenance d’installations industrielles). Depuis 2022, il est maître de conférences à Sciences Po Paris et éditorialiste sur BFM Business. Il a reçu le Prix de meilleur prévisionniste pour la France en 2015 (Thomson Reuters) et pour l'Allemagne en 2019 (Refinitiv).

Christopher Dembik

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